Missing : convoyeur de foie de veau
Mardi matin - 4 h 20
Le téléphone sonne. On se réveille en sursaut, on bondit de son lit, le temps d'enfiler ses pantoufles lapins et on décroche. Le cerveau en rade de caféine carbure déjà à 200 %, imaginant ce que ce sera cette fois-ci. Une blonde en survêtement avec un sabre a massacré les 88 fous de la pègre japonaise ? Madrazo enfin envoyé à la barre ? Un crash d'avion dans la Maze Tower ? Quoi ? Comment vous dites... ? ...un routier qui s'est foutu dans une rivière...? Et je suis le seul disponible...? Bon...
Et c'est parti, on prend une graaaande inspiration, on dégaine son index et on allume la cafetière. La gloire attendra, comme toujours.
Le temps de sauter dans la voiture et d'avaler les 40 km qui me séparent de la scène, quelque part dans la cambrousse de Blaine County, l'aube se lève. Ce retour chez les bouseux me rappelle de mauvais souvenirs... M'enfin bon, j'suis pas là pour ça. Je vais faire mon boulot consciencieusement et... Ah, on dirait que j'arrive.
En effet, j'ai l'impression que ce bonhomme s'est endormi au volant. La route rejoignant la rivière décrit une courbe avant de l'enjamber via un pont. Le problème est que le semi-remorque que je vois maintenant barboter avec les truites est allé tout droit. Étrangement, aucune trace du chauffeur dont la cabine dépasse pourtant de l'eau.
À peine le temps de sortir mon appareil et de prendre une première photo qu'une sirène déchire l'air matinal comme les braillements d'un nouveau-né.
"BLAINE COUNTY FIRE DEPARTMENT, hold on!"
Je me disais aussi qu'on manquait d'epicness dans les services de secours de la région. Le trente tonnes rouge arrive à toute allure. Attendez, il va même beaucoup trop v-WOHLA !
Le conducteur s'est rendu compte trop tard que la pente vers la rivière était particulièrement raide. Bon, il a eu le réflexe de mettre un grand coup de volant, mais il a tout de même réussi à planter son camion. Désolé mais la tentation est trop forte pour moi.
Plus de peur que de mal apparemment. Les sapeurs s'extraient de leur nouvelle épave et passent un coup de fil. De là où je me tiens, je crois comprendre qu'ils appellent leurs collègues à la rescousse.
Dans l'heure qui suit, les pompiers s'occupent de sécuriser la carcasse du semi-remorque, pour s'assurer qu'elle ne soit pas entraînée par le courant jusqu'à l'Alamo Sea, à quelques kilomètres de là. La police arrive entre temps et effectue les constatations d'usage. Je vais me présenter à l'officier, nommé J. Walton, et l'interroge rapidement.
Ir : Bonjour shériff, vous avez une idée de ce qui s'est passé ?
Ié : Ben à vue d'nez c'était simple, le conducteur s'est endormi et il a pas vu l'virage, mais y'a des trucs qui collent pas.
Ir : Vous pouvez m'en dire plus ?
Ié : Déjà il est plus là l'conducteur. Ça va êt' dur de prendre sa déposition. La r'morque est vide aussi, c'qu'est pas normal puisque l'camion a quitté l'entrepôt c'matin. Et puis vous avez regardé la cabine plus en détail ? Non ? Tenez, v'nez voir par là !
Et en effet, la portière côté conducteur est criblée de balles. Un gros calibre d'ailleurs.
Ié : Si vous voulez mon avis, j'pense que quelqu'un savait ce que transportait c'camion et qu'il a voulu se l'approprier. Mais de là à aller descendre ce pauv' type et à faire disparaître le corps, c'est que ça devait être du sérieux. Franchement, on dirait du calibre 8, vu les impacts, ce calibre de chasse est interdit depuis plus de 20 ans !
Ir : Vous avez contacté l'employeur du routier pour en savoir plus ?
Ié : Bien sûr ! Il sont en route d'ailleurs, il ne devrait plus tarder maintenant. Ah bah tiens, r'gardez qui arrive : les renforts de ces couillons d'firemen. Non mais sérieusement, qu'est-ce qu'il a voulu jouer au cow-boy en plantant son cam'tar sur une simple scène d'accident ? Et puis franchement, qui est l'ahuri qui a demandé un camion-incendie alors que le semi a la gueule dans l'eau ? Haha, non mais j'vous jure.
Alors que les pompiers tentent de déplacer la carcasse du 38 t, une berline grise se gare au bord de la route. Deux hommes en sortent et se dirigent vers la scène. Ils s'avèrent être l'employeur du chauffeur routier et son avocat. Tous deux s'entretiennent brièvement avec le shériff.
Emp : Mais enfin c'est aberrant ! Je reconnais très bien ce camion, je l'ai vu de mes yeux partir ce matin vers 03 h 00, il transportait des conserves de foie de veau ! Vous n'allez quand même pas me dire qu'on a braqué et tué l'un de mes convoyeurs pour des abats de mauvaise qualité ???
Shériff : Ce n'est pas ce que je dis m'sieur. Je dis qu'on a un camion dans une rivière, que le conducteur a disparu et qu'sa cabine est bourrée de plomb. Après, c'est normal de faire des déductions, c'est mon boulot, non ?
L'employeur et son avocat s'éloigne de quelques pas et discutent vivement, sans que je puisse comprendre exactement ce qu'il se dit. Chacun se saisit ensuite de son téléphone et pianote furieusement.
Tout ça est très bien, mais je viens de penser que je n'ai pas nourri Attila en partant ce matin. Oui, Attila c'est mon chat, un petit jeune de quatre mois que ma tante Cunégonde m'a donné après que sa chatte ait accouché en mars. Je ne vous raconte pas les blagues salaces pendant les repas de famille - attendez, qu'est-ce que je suis en train de raconter dans mon article ?
Je pense qu'il est temps d'abréger. Après une dernière photo de la scène, je reprends le volant et prends la direction de Los Santos, histoire de laisser les autorités incompétentes cogiter sur ce cas.
Coucou toi ! Ouh c'est un gentil chaton ça ! Ouh c'est un gentil chaton, eh ?