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Lornne Houser assassiné

Little Worm

Cet article a été écrit dans un contexte spécifique et peut refléter des sensibilités ou des approches qui peuvent ne plus correspondre à celles de son auteur aujourd'hui. Avec le recul, certaines choses ne seraient plus écrites de la même manière aujourd'hui. Ces archives restent néanmoins une trace précieuse d'une époque où créativité et passion guidaient chaque ligne. Merci de le lire avec recul.

Le célèbre développeur de jeux vidéos a été retrouvé mort dans une chambre d’hôtel à Vice City.

Vice City, Moist Palms Hotel, 11h04. Dolores Alonzo, 34 ans, femme de ménage, remet de l’ordre dans les luxueuses chambres de l’hôtel. Consciencieusement, elle secoue, replie, range, époussette, astique, récure. Son pénible et monotone labeur la conduit jusqu’à la chambre 1587, où elle note une étrange odeur émanant de la salle de bain, semblable à celle d’un homme, découpé en morceaux, gisant dans une baignoire. Elle pousse fébrilement la porte.

“îîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîîh !!”

Un homme, découpé en morceaux, gît dans la baignoire. Le carrelage et les murs sont couverts de sang. L’arme du crime, une tronçonneuse, traîne nonchalamment sur le sol. La victime est identifiée comme étant Lornne Houser, talentueux développeur de jeux vidéos, créateur du célèbre Pogo the Monkey. Bien vite, les enquêteurs écartent la thèse du suicide.

Voici un crime aussi atroce qu’incompréhensible : personne ne semblait détester Houser plus que ça. Il était même relativement apprécié dans le milieu, c’était une de ces figures emblématiques du vidéo-ludisme, qui ont toujours étonné par leur talent et leur créativité. Vu que personne ne sait rien sur les circonstances du meurtre et qu’il faut quand même un article détaillé, petit retour sur la carrière de la victime :

En 1979, Lornne, pris de passion pour l’informatique, décide de développer lui-même son propre jeu. Il lui faut à peine six semaines pour accoucher, seul, de Monkey’s Paradise, étonnante production simiesque mêlant action intense et graphismes léchés. Quelques mois plus tard, il est repéré par un commercial au nez long de Degenatron Inc. et très vite les bornes d’arcade s’arrachent dans le monde entier.

Interview parue dans Degenatron Mag’ n°:458, février 1981 :

Degenatron Mag’ : Salut les kids ! J’ai le plaisir d’interviewer le jeune Lornne Houser, qui s’est fait des bollocks en or avec son terrible Monkey’s Paradise ! Alors Lornne, ça fait quoi d’être l’un des programmeurs les plus riches et adulés des US ?

Lornne Houser : Well, j’ai été le premier surpris par le succès de mon jeu, et je remercie Degenatron Inc. et tous les boys qui ont cru en moi. Ce fut une formidable adventure, je suis fier d’avoir mené ce projet à terme. Now, gardons la tête froide : je suis un artiste avant tout, et ni la thune ni les naughty bitches ne me détourneront de ma passion, les jeux vidéo. Yeah !

DM : Yeaaah ! Raconte nous un peu la genèse du fuckin’ goddamn’ enormous Monkey’s Paradise !

LH : Eeer… Tout à commencé à Noël ‘78, j’avais commandé un décapsuleur de bière électrique mais mes remp’ ont jugé plus utile de m’offrir une unité centrale tombée d’un camion de la NASA… C’est là que j’ai appris les rudiments de l’informatique, cloîtré dans la cave - ces saletés d’engins prennent une place incroyable - L’idée de Monkey’s Paradise est venue naturellement, je cherchais un sentiment de liberté et d’évasion, d’où le but du jeu : se déplacer de liane en liane as far as you can !

DM : Yeeeeaaaah ! Ce qui a le plus troué les burnes des Hardcore Gamers, outre la technique irréprochable, c’est l’incroyable design du jeu ! On t’a comparé au Michel-Ange de l’arcade !

LH : Oh, yeah, l’esthétique a été un souci permanent… Pour le décors, les arbres ont nécessité trois semaines de boulot… Je voulais que le joueur ressente le feeling de la jungle équatoriale… Le héros est venu plus naturellement, je me suis inspiré du gros monkey en ciment qui traîne dans le jardin de mes vieux.

DM : Well, yeah, well, okay, then, la question que tous les kids se posent : à quand un nouvel opus ?

LH : Un projet top secret est en préparation, une tuerie, a pain in the ass, pour contrer ces sales nippons et leurs babioles de bas étage… Attendez-vous à du lourd les gars !

Ainsi, en 1984, en même temps que la première console portable Degenatron, sort la nouvelle borne d’arcade Pogo the Monkey, une véritable bombe, le précurseur des jeux de plate-formes pour ainsi dire. Le joueur incarne Pogo, le petit singe monté sur ressort, qui arpente des dizaines de mondes colorés à la recherche de ses précieuses bananes. La technique et la maniabilité sont irréprochables, et le scénario astucieux fera l’objet d’une adaptation cinématographique. C’est la consécration pour Lornne.

Mais dès 1985 le marché est rogné par les japonais qui parviennent à faire de l’ombre à Degenatron avec des productions médiocres à base de plombiers moustachus puis de lutins verts. En 1991, c’est la faillite : les jeux Degenatron ne font pas le poids face au rouleau compresseur Go Go Space Monkey. Retiré dans sa somptueuse demeure à Shoreside Valley, Lornne sombre dans l’alcool et le role playing.

En 1999, les fans ne l’ont pas oublié : les jeux Degenatron et les productions Houser en particulier sont toujours adulées par la communauté des joueurs, et le souvenir perdure, grâce notamment à l’émulation. Parallèlement, l’industrie du divertissement électronique est en crise, et Love Media Video Entertainment, le plus gros éditeur de Liberty City, cherche désespérément un héros et un concept novateurs pour leur futur jeu. Le département marketing est en ébullition.

Chuck Berris, LMVE marketing director : Yeah, I remember, on cherchait un truc en béton pour notre nouvelle production, le genre de jeu qui réunirait à la fois les gniards de 7 ans, les ados boutonneux et leurs vieux devant la télé. Mais nos fines équipes de développeurs basés en Europe de l’Est n’avaient jusqu’ici développé que des jeux de catch et de tuning, et on sentait bien que c’était pas la direction à prendre. We were in deep shit ! Puis un beau jour, un de nos gars, l’un des seuls tarés de l’équipe à s’intéresser à ces bloody stupid videogames, nous a suggéré de faire un plat-former, et de racheter une vieille licence. On s’est naturellement tourné vers ce Hornne Looser et son Gogo the Donkey.

Il faudra deux ans aux développeurs de LMVE pour fignoler leur _Pogo the Monkey _next gen. Sortie mondiale en 2001 sur à peu près toutes les consoles du marché, le succès est immédiat et le projet est vite rentabilisé. Si Lornne Houser ne s’est pas rendu en Roumanie pour participer au développement, son aide a été précieuse, grâce aux conseils et indications échangés via internet. Pogo the Monkey est toujours un jeu de plate-forme, en trois dimensions cette fois-ci. Il bénéficie de la puissance des consoles 128 bits qui lui permet d’afficher un univers plus cohérent, plus sombre et mature. Cette fois-ci, Pogo, le singe génétiquement modifié, doit s’échapper d’un laboratoire de recherche en prenant soin d’exterminer les scientifiques qui lui barrent la route, avant de détruire la Maison Blanche pour devenir le Président des États-Unis. 70 millions d’exemplaires vendus dans le Monde, sans compter les produits dérivés, ainsi que deux suites tout aussi réussies : Pogo the Monkey II, et Pogo joins the Army.

N’y allons pas par quatre chemins, Lornne Houser était un grand homme et c’est toute l’industrie du jeu vidéo qui pleure sa mort. Qui a bien pu se montrer aussi abominable envers cet artiste admiré de tous ? La police recherche activement le coupable, et bien évidemment vous serez informé dès que nous en saurons un peu plus. N’oublions pas enfin la bienveillante initiative de LMVE qui rééditera d’ici quelques semaines les grands classiques Degenatron en série limitée, 30$ pièce, en hommage à leur créateur.

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Disparu depuis des années, Little Worm a été l'un des plus brillants rédacteurs du journal. Un budget spécial est alloué chaque mois pour le rechercher dans la jungle amazonienne où il a été vu pour la dernière fois.

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