Le pendu de San Fierro
Dimanche dernier, un promeneur a découvert le cadavre d'un pendu dans un entrepôt désaffecté de Doherty. Suicide ou règlement de comptes ? John S., la victime, était pourtant au demeurant un individu ordinaire sans histoire. Le LT a enquêté pour vous...
San Fierro, la Mecque de l'homosexualité.
C'est évidemment attiré par cette réputation sulfureuse que John S. s'installe ici. Licencié d'une l'entreprise de pièces détachées automobiles où il travaillait à Los Santos, il saisit le prétexte pour quitter Idlewood, sa pollution, ses friches industrielles et commerciales, sa misère sociale, ses gangs et son insécurité. Pour John, c'est aussi une manière de s'affranchir d'un milieu familial étouffant qui l'a toujours empêché d'assouvir ses désirs les plus intimes.
A peine débarqué à San Fierro, John S. décroche un job dans une petite entreprise de micro-informatique qui démarre. Il emménage peu après dans une de ces rues tranquilles bordées de maisons de bois aux huisseries colorées entre Hashbury et Ocean Flats.
Un minuscule deux pièces inondé de lumière aux murs éclatant, qu'il meuble d'un strict minimum : un canapé, une table basse, une télé à même le plancher de bois clair, un lit et le tour est joué. Là encore pour lui, il s'agit d'une rupture radicale. Rien à voir avec l'intérieur surchargé de bibelots de la maison familiale d'Idlewood. La seule fantaisie à laquelle il s'autorise est une forêt de plantes vertes qui remplacent avantageusement les rideaux de la fenêtre arquée du salon qui s'ouvre sur le ciel et l'océan. En se penchant par la fenêtre, il peut même apercevoir la flèche d'Ocean Flats Church. D'emblée, John se sent bien dans sa nouvelle vie. Il a enfin l'impression de respirer. Comme s'il se libérait enfin d'un poids qui pesait sur sa poitrine depuis l'enfance.
Et très vite, John commence à sortir dans les bars et clubs "gays" de la ville tels le "Misty", le "Queens" ou le "Gaydar" pour ne citer que les plus courus du moment. Ce qu'il n'osait jamais faire à Los Santos où ils étaient peu nombreux et presque clandestins. En se mêlant à la foule qui se presse le soir dans les rues "chaudes", en fréquentant les magasins "spécialisés" qui pullulent à San Fierro, il découvre en lui des fantasmes qu'il n'avait jamais soupçonnés.
En quelques mois, John change radicalement. Il se fait couper les cheveux ras et les teint en blond, adoptant le style militaire très en vogue dans le milieu homosexuel, se laisse pousser la moustache, et se rend tous les jours à la salle de sport du Garcia pour soulever méthodiquement des kilos de fonte et acquiert rapidement une musculature impressionnante qu'il apprend à exhiber dans des débardeurs moulants. Même ses parents, quand il retourne tous les deux ou trois mois à Los Santos ont du mal à le reconnaître.
Un beau jour, John décide de se mettre à la moto. Il en a toujours eu envie mais jusqu'alors sa mère l'en avait toujours dissuadé. Il prend des leçons de conduite , passe le permis et s'achète une énorme Harley Davidson sur laquelle il parade le week-end. Très vite, il adopte la tenue du parfait biker : blouson et pantalon de cuir noir, bottes à bouts coqués et bandana noué sur la tête.
Pour lui, c'est une révélation, il ne se sent jamais aussi bien dans sa peau que vêtu ainsi. Il commence alors à fréquenter un monde diamétralement opposé au sien, celui du sado-masochisme. Entraîné par un autre motard rencontré dans un bar, il est au départ plutôt méfiant. Ce qu'il voit lui laisse un sentiment d'effroi et dépasse l'entendement. Quelques semaines plus tard, presque malgré lui, il y retourne. D'abord simple observateur, il prend part de manière de plus en plus active à ces sombres et cruelles "orgies". Il prend rapidement goût à ces jeux étranges où la douleur finit par rejoindre le plaisir. Il se soumet à toutes les expériences même les plus effrayantes.
John n'en a jamais assez et en demande toujours plus: une sorte d'escalade qu'il ne maîtrise pas vraiment. Il fréquente les endroits les plus glauques de San Fierro : des docks désaffectés d'Eastern Basin aux entrepôts inoccupés du Doherty en passant par les caves obscures du Garcia équipées de matériels extravagants... Informaticien la journée, la cravate "Victim" nouée sur la chemise blanche "DidierSachs" impeccable, il se transforme le soir venu en un mutant bardé de cuir noir et de latex, ouvert aux fantasmes les plus fous.
Ce soir là, John est très excité. Il a entendu parler d'une "party" particulièrement chaude dans un endroit connu des seuls initiés. Arrivé sur place, avec sa moto, il s'enfonce aussitôt dans un dédale de petites pièces séparées par des rideaux noirs...
Vers deux heures du matin, un hurlement déchire la nuit...Quelques heures plus tard, alors que le soleil darde ses premiers rayons, John est retrouvé mort au bout d'un corde, victime de son propre plaisir et de ses propres fantasmes en pratiquant la pendaison sexuelle.