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L'affaire Houser élucidée

Little Worm

Cet article a été écrit dans un contexte spécifique et peut refléter des sensibilités ou des approches qui peuvent ne plus correspondre à celles de son auteur aujourd'hui. Avec le recul, certaines choses ne seraient plus écrites de la même manière aujourd'hui. Ces archives restent néanmoins une trace précieuse d'une époque où créativité et passion guidaient chaque ligne. Merci de le lire avec recul.

Liberty Tree : Officier Silvergun, tout le monde ici est frappé par la violence de l’assassinat de Lornne Houser… Mais que s’est-il passé exactement ?

Brad Silvergun, VCPD : Béh euh, d’après les légistes la victime était encore vivante peu avant son décès. Vers 01h00 du matin, après une soirée bien arrosée mais infructueuse sur le plan sexuel, Houser se prélassait dans sa baignoire, lorsqu’un individu a défoncé la porte de sa chambre et s’est rué sur le malheureux qui a eu à peine le temps de hurler et de laisser les traces de sang que voici sur les murs.

LT : A-t-on aperçu l’assassin ? Il n’a pas pu entrer dans l’hôtel avec une tronçonneuse sans éveiller les soupçons…

TS : Bin, la démarche de l’agresseur a manqué quelque peu de délicatesse, mais personne ne semble l’avoir vu. A cette heure-ci les touristes sont généralement pleins comme des outres et personne ne s’est soucié du meurtre.  Il ne nous reste donc plus qu’à chercher du coté des proches de la victime.

Ce bout d’interview résume à peu près les circonstances du crime, pour plus de précisions nous vous invitons à relire l’article Lornne Houser assassiné de l’édition du 30 janvier. De l’eau a coulé sous les ponts depuis, l’identité du coupable a enfin été découverte. Contrairement aux supputations de Silvergun, ce n’était pas un proche de Houser.

Le 15 mai, alors que l’E3 bat son plein à Los Santos, un incident survient au stand Love Media Video Entertainment. Chuck Berris, en pleine conférence de presse, rend un vibrant hommage au génial Lornne Houser puis présente aux journalistes ébahis les rééditions des grands classiques Degenatron en version Ugly&Grey© : “Monkey’s Paradise, Pogo the Monkey et bien d’autres à 30$ pièce munis d’une nouvelle jaquette grise et moche.” S’ensuit un palpitant concours : les visiteurs du stand sont conviés à rejoindre les bornes d’arcade Pogo the Monkey tenues par de charmantes hôtesses : 10 000 $ en bananes au premier qui parviendrait à terminer le jeu, exploit jamais réalisé auparavant. C’est alors qu’un individu, malgré la réticence du personnel de sécurité, monte sur scène et s’empare du micro de Berris pour s’adresser à la foule médusée :

Vous pouvez vous les carrer où je pense vos bananes ! Personne ne finira jamais Pogo, parce que ce bloody feignant de Lornne ne l’a jamais fini ! Degenatron nous a menti ! 255 niveaux, my ass !

A ces mots, le mystérieux orateur brandit une arme et tire sur les innocents journalistes. Quinze minutes plus tard, il éclate en sanglots et se rend aux forces de l’ordre.

l’E3 photographié par http://www.jeuxvideo.com

Pour Brad Silvergun, tout est clair.

Il est coupable, ça ne fait aucun doute. Ce type a découpé en rondelles Lornne Houser, rapport à un jeu qu’il aurait programmé dans les 80’s. Nos meilleurs hackers sont sur le coup. Ils farfouillent le code du bidule à l’instant où je vous parle.

En effet, les hommes de Silvergun, Andrew Reefer et Ted Orange sont très occupés et n’ont guère le temps de répondre à mes questions.

AR : Purée, level 27 ! C’est là qu’apparaissent les castors-saumons mangeurs de bananes… Ils crachent le feu de l’enfer avec leurs tentacules pleines de dents… Un bon coup de ressorts dans les parties intimes et… Rah mais saute ! Saute, pauvre andouille ! Shyte, mon pad est bloqué !

LT : Bonjour messieurs les informaticiens. Où en est votre travail d’investigation ?

TO : Ben, on a déjà fait 27 niveau, sur 255. Ce qui signifie concrètement qu’il en reste, euh… 62 ? Tout porte à croire que le meurtre a rapport à la fin de Pogo the Monkey, et comme personne n’a jamais réussi à terminer le jeu, on est bien obligés de s’y mettre. Bon excusez-nous mais on a du boulot.

Retour dans le bureau de Silvergun... Retour dans le bureau de Silvergun…

LT : Mr. Silvergun,  hier encore vous vous refusiez à tirer des conclusions hâtives. Les résultats de l’analyse vous sont-ils parvenus?

BS : Pas besoin d’analyse. J’ai de bonnes raisons pour croire qu’il est coupable. C’est un joueur accroc, non ?

LT : Certes, mais grâce à l’arme du crime, vous pourriez clairement déterminer si…

BS : Écoutez, les empreintes digitales c’est bien gentil mais ça ne prouve rien. Et puis on a déjà fait une analyse, ça n’a rien donné. Et puis la pièce à conviction a été perdue, offerte par erreur pendant la tombola du VCPD.

LT : Que répondez-vous aux rumeurs persistantes qui affirment que vous auriez reçu une coquette somme d’argent de la part de LMVE pour clore l’enquête au plus tôt ? On vous a souvent aperçu en compagnie de Mr. Chuck Berris, au Leaf Links Golf Club notamment…

BS : Comment osez-vous mettre en doute mon intégrité ? J’ai rencontré Chuck pour les besoins de l’enquête uniquement. D’ailleurs, voulez-vous bien m’expliquer en quoi le meurtre aurait pu profiter à Love Media ? Certes, les ventes de jeux Degenatron étaient au plus bas depuis quelques mois, et la mort de Houser a permis de booster le chiffre d’affaire, mais à part ça, je ne vois pas. C’est ce taré de geek qui l’a zigouillé, point barre. Dites-moi, c’est un beau métier que celui de journaliste, n’est-ce pas ? Beau métier, mais bien mal payé…

LT : Hum. Merci pour ces précisions, Mr. Silvergun.

Le suspect s’appelle Bubba Hotep, un jeune homme résidant à Vice City. Malgré les preuves irréfutables de sa culpabilité, il nie tout en bloc. Lors d’un interrogatoire, il consent néanmoins à expliquer le sens de ses paroles à l’E3.

Vous comprenez, j’ai toujours vénéré Pogo the Monkey, j’ai passé des heures sur la borne dans les 80’s… Je rêvais de finir le jeu un jour… 255 niveaux, c’est pas rien… Il y a trois mois, j’avais décidé de passer la nuit devant ma borne personnelle… Une caisse de bière, quelques piles de donuts, de quoi faire péter le high-score… Croyez-le ou non, j’ai réussi ! Ca m’a finalement pris 72 heures d’affilée, mais j’ai fini par terminer le 254ème stage… terrassé ce misérable robot scatophage en tutu…  La fin approchait,  j’allais assister à un spectacle qu’aucun autre joueur n’avait eu le privilège de contempler… Le dernier niveau ! Je n’avais pas perdu ma petite amie et mon travail pour rien ! Pourtant, après le robot, pas de 255ème niveau ! Rien ! Rien d’autre qu’une bouillie de pixels difformes, le jeu avait freezé. Houser et Degenatron nous avaient menti, depuis tout ce temps… Mais je n’ai rien à voir avec la mort de Lornne. L’agitation du salon, l’alcool, les babes… J’ai pété une durite en entendant le discours de Berris. Il fallait que la vérité éclate…

Bubba Hotep, rongé par le remord Bubba Hotep, rongé par le remord

Le rapport des psychiatres est formel : c’est une bête. Après des années de lavage de cerveau en salle d’arcade, entraîné dans un tourbillon de violence, il a perdu pied avec le monde réel et est devenu un assassin. Ce n’est pas un hasard si l’armée américaine se servait de Pogo the Monkey dans les 80’s pour son programme de Virtual Training. Nous avons ici une preuve de l’influence néfaste des jeux vidéo sur le psychisme humain.

Ce fils d’abruti à pris la french leave fin janvier. Des mois que je l’ai pas vu ! Priscilla Hotep, mère de l’accusé, est abattue par la nouvelle. Quoi ? C’est mon Bubba qu’aurait fait ça ? Cet ordure de Houser n’a eu que ce qu’il mérite. C’est des gars comme lui qui me l’ont crétinisé.

A l’évocation de son fils, cette femme meurtrie brasse les souvenirs d’une vie familiale autrefois paisible.

Je savais qu’il finirait comme ça, toujours vautré devant ses jeux stupides… Je lui disais moi, mais fait des trucs intéressants, va boire un coup au bistrot !.. Mais il m’écoutait jamais… A quinze ans il a arrêté le catéchisme et l’héroïne pour ces saloperies… Bordel mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Avec la bonne éducation que je lui ai donné…

Dans un élan de tristesse elle crache sur la moquette.

La tendre demeure familiale, et une machine démoniaque La tendre demeure familiale, et une machine démoniaque

Le procès de Bubba Hotep est en cours. L’avocat de l’accusation, Jack Rifle, réclame la peine capitale. Love Media Video Entertainment est également impliqué dans cette affaire, des associations de parents réclamant des dommages et intérêts pour les dégâts psychologiques infligés à leur progéniture.

D’abord nous attaquons Love Media en justice, puis on fera interdire la commercialisation de leurs bidules et on condamnera à mort leurs dirigeants. Les jeux vidéo sont dangereux ! Ils tuent chaque jour des millions de gens, détournent nos enfants de leurs études, en plus ça nous coûte la peau des fesses chaque année à Noël.

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Disparu depuis des années, Little Worm a été l'un des plus brillants rédacteurs du journal. Un budget spécial est alloué chaque mois pour le rechercher dans la jungle amazonienne où il a été vu pour la dernière fois.

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